À l’occasion de la table ronde qui s’est ouverte ce lundi 20 octobre 2025 à Conakry pour cinq jours d’échanges et de réflexion sur les enjeux croissants liés aux crypto-monnaies, aux ransomwares et à la coopération régionale en Afrique de l’Ouest, notre rédaction a eu l’opportunité de s’entretenir ce mercredi 22 octobre avec Pape Djibril N’GOM. Expert en cybercriminalité auprès de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), il est également fonctionnaire de police en service à la Direction de la Police Judiciaire (division spéciale de lutte contre la cybercriminalité) et chef d’unité du service de renseignement criminel.
Durant cet entretien, il est revenu sur les différences fondamentales entre monnaies traditionnelles et crypto-actifs, les enjeux sécuritaires qu’ils posent, les limites technologiques et les perspectives d’intégration dans les systèmes monétaires nationaux.
Est-ce que vous pouvez nous dire quelle est la différence fondamentale entre une crypto-monnaie et une monnaie traditionnelle ?
Pape Djibril N’GOM : Alors, le terme « crypto-monnaie » est souvent utilisé pour désigner ce qu’on appelle des actifs virtuels. Il est important de préciser que ces crypto-actifs sont parfois assimilés à tort à de la monnaie fiduciaire, la forme la plus répandue de monnaie. La différence fondamentale réside dans la nature même de l’actif : la monnaie traditionnelle est tangible, physique, alors que les crypto-monnaies sont totalement virtuelles, d’où le terme « actifs virtuels ». Elles permettent, tout comme la monnaie fiduciaire, d’effectuer des paiements ou d’acheter des biens et services, mais elles ne sont pas saisissables physiquement. Elles évoluent dans un écosystème entièrement numérique, reposant notamment sur la technologie blockchain.
Est-ce que le Bitcoin est véritablement décentralisé et quels sont ses points forts ?
Pape Djibril N’GOM : Le Bitcoin est l’une des nombreuses crypto-monnaies existantes on en dénombre aujourd’hui des milliers. Ce qui rend ces monnaies possibles, c’est la blockchain, une technologie clé. Il s’agit d’un registre distribué qui permet de valider, tracer et sécuriser les transactions sans l’intervention d’une autorité centrale. C’est ce caractère décentralisé qui est l’un des grands atouts du Bitcoin. Cependant, il faut aussi souligner ses limites, notamment sa volatilité. La valeur du Bitcoin peut passer d’un jour à l’autre de 70 millions à 7 millions (en monnaie locale), ou inversement. Cette instabilité a conduit à la création de concepts comme les stablecoins, des crypto-monnaies adossées à des monnaies traditionnelles (comme le dollar) pour réduire les fluctuations.
Comment évolue le potentiel d’un projet crypto avant d’y investir ?
Pape Djibril N’GOM : Il s’agit là de pratiques proches du trading, très présentes sur les réseaux sociaux où certains proposent des formations pour anticiper les fluctuations du marché. L’objectif est de savoir quand investir, vendre ou attendre, afin de limiter les pertes liées à la volatilité. Ces pratiques exigent une grande vigilance et une bonne compréhension de l’écosystème pour éviter des pertes importantes. Cela reste un environnement à haut risque.
Pensez-vous que les banques centrales finiront par accepter la monnaie numérique ?
Pape Djibril N’GOM : Oui ! et certaines initiatives vont déjà dans ce sens. Plusieurs États ont compris qu’il sera difficile, voire impossible, de freiner l’expansion des crypto-actifs. Des citoyens, dans de nombreux pays, les utilisent déjà au quotidien. Face à cette réalité, l’absence d’autorité centrale capable de réguler efficacement cet univers pousse les États à envisager une intégration encadrée. Il s’agit d’accompagner le mouvement, tout en instaurant des règles de régulation à l’échelle nationale, régionale ou internationale, afin de garder un certain contrôle stratégique.
La crypto-monnaie peut-elle devenir une menace pour les banques traditionnelles ?
Pape Djibril N’GOM : Il est difficile de donner une réponse tranchée, car la monnaie fiduciaire a encore un rôle central et pérenne. Toutefois, il est vrai que les crypto-monnaies représentent déjà une menace d’un point de vue stratégique, notamment en matière de sécurité et de transparence. Si aucune mesure n’est prise, la montée en puissance des crypto-monnaies pourrait à terme marginaliser certaines pratiques bancaires traditionnelles. Il est donc crucial de mettre en place des politiques et des stratégies adaptées pour accompagner cette transformation, sans subir ses dérives potentielles.
Est-ce que vous pouvez nous dire quelle est la différence fondamentale entre une crypto-monnaie et une monnaie traditionnelle ?
Pape Djibril N’GOM : Alors, véritablement, le terme crypto-monnaie souvent utilisé pour désigner des actifs virtuels, je vais les nommer ainsi, sont souvent considérés comme des monnaies à l’image de la monnaie fiduciaire qui est la plus connue. Alors, ici, la différence, c’est véritablement du caractère, je vais dire physique de la chose en tant que tel, parce que quand on parle de crypto-monnaie… C’est d’ailleurs même la raison pour laquelle on parle d’actifs virtuels, parce qu’en fait la monnaie véritablement n’est pas saisissable. C’est une monnaie qui permet naturellement de pouvoir offrir ou bien d’accepter des services, le paiement de services, qui est reconnue dans certains contextes pour véritablement être utilisée pour remplir quelques aspects ou bien quelques fonctions de la monnaie fiduciaire. Mais la grande différence se trouve véritablement dans le côté, dans le caractère insaisissable de la chose. Donc là on est dans le virtuel, dans l’écosystème de la blockchain, etc.
Est-ce que le Bitcoin est-il véritablement décentralisé et quels sont les points forts du Bitcoin ?
Pape Djibril N’GOM : Le Bitcoin fait partie d’une famille, des crypto-monnaies, qui est une crypto-monnaie en tant que telle, parce qu’aujourd’hui, il existe plusieurs crypto-monnaies, des milliers de crypto-monnaies, j’ai envie de dire. Donc, la spécificité par rapport à ces monnaies-là, c’est qu’elles existent parce qu’il y a ce qu’on appelle une technologie qui s’appelle la blockchain. Donc, c’est véritablement la blockchain qui sous-tend la technologie des crypto-monnaies et que sans cette blockchain-là, on ne parlerait pas forcément des crypto-monnaies. Dans la mesure où c’est la blockchain qui est un registre distribué, qui permet véritablement de valider les transactions, de pouvoir faciliter la journalisation des transactions. (…) Alors, du point de vue des limites, il serait judicieux de pouvoir aborder ce concept du caractère non stable de cette monnaie-là, parce qu’en fait, voilà, c’est une monnaie qui fluctue beaucoup. Aujourd’hui, par exemple, vous avez un Bitcoin qui a une valeur de plusieurs millions. 70 millions, par exemple. Demain, cette valeur-là peut descendre jusqu’à, par exemple, à ne valoir que, par exemple, 7 millions. Vous venez de perdre plusieurs millions. Comme aussi, le jour d’après, un Bitcoin peut valoir 100 millions, par exemple. C’est ça. Donc, assez de risques qui font qu’aujourd’hui, nous avons des nouveaux concepts, par exemple, comme le stable coin, qui permet donc d’adosser une crypto-monnaie au dollar.
Alors, comment évolue le potentiel d’un projet crypto avant d’investir ?
Pape Djibril N’GOM : Alors oui, ce sont des concepts qui s’apparentent tout plus au trading, qui font l’objet parfois de formations sur les réseaux sociaux, comme certains le diront, qui permettent véritablement de pouvoir suivre le mouvement de ces fluctuations, effectivement, pour voir à quel moment il faut investir, à quel moment il ne faut pas, à quel moment il faut vendre, etc. Et cela pour véritablement s’associer à cette dynamique-là de mouvement un peu instable de ces crypto-monnaies-là. Et comme je disais tout à l’heure, cela s’apparente plus à des pratiques de trading qui enseignent à quel moment il faut investir, est-ce qu’il faut vendre, etc… Pour éviter quand même d’être dans le risque de perdre ces crypto-monnaies.
Pensez-vous que les banques centrales finiront dans le temps par accepter la monnaie numérique ?
Pape Djibril N’GOM : Oui, je pense qu’il y a même des perspectives aujourd’hui, des initiatives, j’ai envie de dire, pour véritablement accompagner ce mouvement-là. Parce qu’au-delà même du critère, ou en tout cas du caractère virtuel de la monnaie, il y a des enjeux du point de vue stratégique. Parce qu’aujourd’hui, par exemple, certains pays ont compris qu’il serait peu possible ou peu probable d’ailleurs de freiner cet élan vers ces crypto-monnaies-là. Parce qu’en tout cas, les populations, en tout cas certains pays, les citoyens de certains pays, majoritairement sont en train d’utiliser ces crypto-actifs-là dans le cadre d’activités de tous les jours. Sachant qu’il n’y a pas d’autorité centrale pour freiner cet élan-là, parce qu’ayant déjà, n’ayant pas les leviers nécessaires pour pouvoir carrément faire la police dans cet écosystème-là, l’idée c’est véritablement de s’associer à ce mouvement tout en maintenant contrôlant. Tout en régulant véritablement cet écosystème à travers des mesures qui vont être prises à l’échelle nationale, régionale ou internationale.
Est-ce que la crypto-monnaie peut-elle devenir une menace pour les banques traditionnelles ?
Pape Djibril N’GOM : Donner une réponse définitive ou absolue par rapport à cette question-là me semble peu prudente dans la mesure où la monnaie fiduciaire a de beaux jours devant elle. Mais quand même déjà que la crypto-monnaie aujourd’hui qui véritablement est une menace du point de vue de la stratégie en termes de sécurité en termes de transparence. Donc oui, c’est une menace, mais dans la perspective, il faudra véritablement mettre en œuvre des politiques, des stratégies pour que cette menace-là ne se concrétise pas. Parce qu’à défaut, l’adhésion à ces crypto-monnaies-là, à l’utilisation de ces crypto-monnaies, à une certaine mesure, dans une certaine projection en fonction du temps, peut aussi avoir pris certaines proportions qui vont véritablement faire disparaître certaines pratiques dans le cadre de l’utilisation de la monnaie fiduciaire.
Entretien réalisé par Rama Fils
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