Mariages célébrés dans les lieux de culte : entre avancée légale et zones d’ombre, l’analyse du juriste Kalil Camara

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LeRenifleur Judicalex Guinée 26/11/2025

Lors d’un entretien accordé ce mercredi 26 novembre 2025 à notre rédaction, le juriste Kalil Camara est revenu sur les implications de la loi 0020/2023, qui ouvre la voie à la célébration du mariage dans les lieux de culte. Si ce texte marque une innovation majeure, il demeure inapplicable en l’état, faute de décrets d’application et de mécanismes d’homologation des lieux et des autorités religieuses ou coutumières appelées à officier.

Selon Kalil Camara,

« la loi prévoit que les imams, prêtres, pasteurs et chefs coutumiers puissent célébrer le mariage dans les mosquées, églises ou tout autre lieu homologué, mais les officiers d’état civil, eux, restent compétents dans les centres d’état civil ». Encore faut-il que les autorités précisent les modalités concrètes de cette réforme.

Le juriste rappelle que les autorités religieuses habilitées seront soumises aux exigences légales classiques qui encadrent le mariage civil. Sur les conditions de fond, la loi impose notamment : un âge minimum de 18 ans, contrairement à certaines pratiques religieuses, l’union entre personnes de sexe différent, comme le prévoit le droit en vigueur.

Sur la forme, les célébrants devront respecter les procédures administratives, telles que la publication préalable des bans et l’interdiction de célébrer le mariage en cas d’opposition.

« Toute cérémonie devra se conformer strictement à ces règles, même dans un lieu de culte », insiste Kalil Camara.

L’un des points majeurs soulevés par l’expert concerne la preuve du mariage. Les autorités religieuses habilitées pourront délivrer un certificat déclaratif, mais celui-ci n’aura pas, en lui-même, valeur juridique.

Seul l’acte de mariage établi par l’officier de l’état civil, sur la base du certificat, constitue une preuve légale.

Ainsi, même dans le nouveau dispositif, la centralisation et la reconnaissance officielle du mariage restent exclusivement entre les mains de l’état civil.

« Le certificat religieux ne remplacera jamais l’acte civil », rappelle fermement le juriste.

Kalil Camara pointe également les tensions potentielles entre normes religieuses et exigences juridiques.

Certaines obligations du mariage civil, notamment celles fondées sur le principe d’égalité entre l’homme et la femme, sont difficilement conciliables avec les règles religieuses.

Or, le code civil impose que ces obligations soient clairement expliquées aux futurs époux par l’autorité célébrante. Une question se pose alors :

Un chef religieux devra-t-il rappeler les obligations religieuses du mariage… ou celles imposées par la loi ?

Pour le juriste, la réforme ne lève pas toutes les ambiguïtés

« Dans les faits, cette nouvelle loi ne modifie pas profondément la relation entre mariage civil et mariage religieux, puisque seul l’acte de l’état civil fait foi. »

Face à ces défis juridiques et pratiques, Kalil Camara s’interroge 

« Si le document délivré par l’autorité religieuse ne vaut pas preuve du mariage, ne serait-il pas plus cohérent de maintenir le mariage civil comme seule forme officielle, et de laisser la cérémonie religieuse dans son rôle traditionnel ?"

En attendant les textes d’application, la loi 0020/2023 demeure une réforme inachevée, porteuse d’espoirs pour certains, mais aussi de zones d’ombre juridiques que les autorités devront impérativement éclaircir avant toute mise en œuvre.

 

Par Rahamane Mo, pour Judicalex-gn.org

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