Me Koné Aimé Christophe sur la détention préventive prolongée : « C’est une violation des droits de l’homme qu’il faut dénoncer avec la plus grande vigueur »

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LeRenifleur Judicalex Guinée 07/11/2025

La détention préventive prolongée des personnes en conflit avec la loi est devenue monnaie courante dans les établissements pénitentiaires du pays. Une situation qui n’épargne pas la sensibilité des défenseurs des droits humains. Pour mieux comprendre les enjeux de ce phénomène, notre rédaction a recueilli, ce vendredi 7 novembre 2025, les propos de Me Koné Aimé Christophe Labilé, avocat à la Cour et président de l’ONG Avocats Sans Frontières de Guinée.

Au cours de cet entretien, l’avocat a dénoncé ce qu’il qualifie de « violations des droits de l’homme », tout en rappelant les délais légaux de la détention provisoire en matière correctionnelle et criminelle.

« La durée de la détention préventive en matière délictuelle est de quatre mois, renouvelable une fois. Ce qui signifie un premier mandat de quatre mois, puis un second de quatre mois, pour un total maximum de huit mois. Au-delà de cette période, la personne doit être mise en liberté si elle n’a pas encore été jugée. En matière criminelle, la durée maximale du mandat est de six mois dans un premier temps. Si l’instruction n’est pas terminée, une audience doit être tenue pour statuer sur un éventuel renouvellement. Cette audience permet un débat contradictoire entre les parties : le procureur expose ses raisons pour demander la prolongation, tandis que la défense peut s’y opposer. Si le mandat est renouvelé, il ne peut l’être que pour six mois supplémentaires. Ainsi, en matière criminelle, la détention préventive ne devrait pas excéder douze mois », a-t-il expliqué.

Me Koné a ensuite précisé que l’article 237 du Code de procédure pénale prévoit toutefois certaines exceptions 

« Le législateur permet d’allonger la durée de la détention jusqu’à dix-huit mois, voire vingt-quatre mois au maximum. Quelle que soit la gravité du crime, la détention préventive en matière criminelle ne doit donc jamais dépasser vingt-quatre mois », a-t-il ajouté.

L’avocat regrette toutefois que ces principes soient rarement respectés dans la pratique, ce qu’il considère comme un grave dysfonctionnement judiciaire.

« Sur le terrain, vous connaissez les réalités. Certaines personnes peuvent rester en détention préventive pendant quatre ans, voire plus. C’est une violation manifeste des droits de l’homme. Il faut le dénoncer avec la plus grande vigueur. Malheureusement, ces cas sont fréquents. Dieu seul sait combien, aujourd’hui, à la Maison centrale, se trouvent dans cette situation », déplore-t-il.

Me Koné Aimé Christophe Labilé a également tenté d’identifier les causes de ces dysfonctionnements.

« Il y a plusieurs raisons, mais la principale demeure le dysfonctionnement notoire de nos juridictions. Certaines personnes sont placées sous mandat de dépôt puis tout simplement oubliées. Parfois, leurs dossiers disparaissent. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai été saisi du cas d’un jeune homme accusé de viol sur mineure, détenu depuis 2022. Cela fait presque trois ans qu’il est en détention préventive. En enquêtant, nous avons découvert qu’il n’existe même plus de dossier le concernant au tribunal. On nous a répondu que les dossiers de cette année-là avaient été classés, alors que ce jeune homme est toujours physiquement en prison. C’est un oubli, un véritable scandale judiciaire », a-t-il raconté.

Pour Me Koné, ces situations concernent surtout les personnes les plus vulnérables.

« Le plus souvent, ceux qui sont oubliés sont des personnes sans soutien, qui n’ont pas les moyens d’engager un avocat ou de faire suivre leur dossier. Ce n’est pas normal. Personne ne devrait être oublié. Lorsqu’on prive quelqu’un de sa liberté, on doit veiller à ce que sa cause soit traitée dans les délais légaux. Ne pas le faire, c’est violer de manière dramatique les droits de l’homme », a conclu le président d’Avocats Sans Frontières de Guinée.

 

Par Sadialiou Barry

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