Nommer une personne inculpée à un poste de responsabilité : un risque administratif et judiciaire, selon le juriste Kalil Camara

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LeRenifleur Judicalex Guinée 03/12/2025

Lors d’un entretien accordé à notre rédaction ce mercredi 3 décembre 2025, le juriste Kalil Camara a apporté un éclairage précis sur les implications juridiques et administratives liées à la nomination d’une personne inculpée à un poste de responsabilité.

Selon lui, tant que la justice n’a pas rendu une décision de non-lieu, l’inculpation reste une situation juridiquement active qui pèse sur la personne concernée et sur l’administration qui envisage de l’employer.

D’emblée, Kalil Camara rappelle un principe fondamental :

« Sans jugement, une personne inculpée n’est judiciairement sortie d’affaires que par un non-lieu ». Cette décision, émanant du juge d’instruction ou de la juridiction d’instruction, vise à reconnaître l’innocence de l’inculpé. Elle doit, selon le juriste, bénéficier d’une médiatisation équivalente à celle de l’inculpation, afin de restaurer pleinement la réputation de la personne concernée.

Il précise également que l’instruction ne peut s’éterniser sans contrôle. L’article 326 du Code de procédure pénale impose, aux alinéas 7 et 8, qu’un rapport circonstancié soit produit pour toute affaire non résolue quatre mois après son entrée au cabinet du juge d’instruction. Ce rapport doit expliquer les raisons du retard et être renouvelé chaque mois jusqu’au règlement final. Le président de la chambre de l’instruction est chargé de veiller au respect strict de ces dispositions.

Pour sortir de cette « zone grise », selon l’expression du professeur Édouard Verny citée par Kalil Camara, l’inculpé peut demander, après l’expiration du délai légal, qu’un non-lieu soit prononcé si aucune juridiction de jugement ne doit être saisie. « L’inertie judiciaire n’arrange jamais l’inculpé », insiste-t-il, rappelant que la situation restreint ses libertés, l’expose à des critiques persistantes et peut entraîner des mesures telles que la détention provisoire ou le contrôle judiciaire.

Sur le plan administratif, l’inculpation diffère profondément d’une simple accusation médiatique. Elle repose sur des « indices graves ou concordants », comme le prévoit l’article 143 du Code de procédure pénale. Cette objectivité explique pourquoi l’inculpation, même sans équivaloir à une culpabilité, ne peut être traitée avec légèreté.

« C’est une procédure sérieuse, ancrée dans des critères objectifs et non dans des impressions », rappelle le juriste.

En matière de responsabilité publique, la règle est claire : une personne mise en examen doit être suspendue de ses fonctions ; elle est démise en cas de condamnation et rétablie en cas d’acquittement ou de relaxe. Pour Kalil Camara, nommer une personne inculpée, notamment pour des faits de violences ou d’agressions sexuelles, va à l’encontre des principes administratifs fondamentaux

« Il est contraire à la règle classique de désigner à un poste de responsabilité une personne dont l’inculpation n’a pas encore été tranchée par la justice », tranche-t-il.

Il souligne enfin que même la détention provisoire qui n’a jamais valeur de culpabilité ne peut être confondue avec une décision de non-lieu. De même, le contrôle judiciaire ou l’absence d’actes d’instruction ne constituent pas un effacement de l’inculpation.

Pour Kalil Camara, la nomination d’une personne inculpée à un poste de responsabilité constitue non seulement une entorse aux règles administratives, mais aussi un risque pour l’intégrité des institutions publiques. Tant que la justice n’a pas prononcé un non-lieu ou une relaxe, l’inculpation demeure un fait juridique incontournable. La prudence administrative, affirme le juriste, doit primer sur les considérations politiques ou conjoncturelles afin de préserver la confiance des citoyens dans l’État de droit.

 

Par Rahamane Mo, pour Judicalex-gn.org

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