À quelques mois du scrutin présidentiel prévu le 28 décembre 2025, le débat sur la participation électorale anime déjà la scène politique et citoyenne en République de Guinée. Dans une interview exclusive accordée à notre rédaction ce lundi 27 octobre 2025, le juriste Kalil Camara apporte un éclairage juridique et philosophique sur la nature du vote dans les démocraties modernes. Selon lui, le vote, longtemps considéré comme un devoir civique, doit aujourd’hui être perçu avant tout comme un droit fondamental et une liberté individuelle.
Pour Kalil Camara, « l’expression consistant à dire que le vote est un devoir civique est révolue ». Autrefois, explique-t-il, certains États conditionnaient l’accès à certains droits à la participation électorale. « Les citoyens se trouvaient ainsi obligés de voter pour bénéficier de certains droits. C’était le fondement du devoir du vote. »
Mais avec l’évolution du droit international et des libertés fondamentales, cette conception a changé.
« Le vote n’est plus un devoir, mais un droit et une liberté », insiste le juriste, rappelant que l’État a désormais l’obligation de garantir à tous les citoyens le droit de voter et d’être éligible, sauf dans les cas prévus par la loi, notamment pour les personnes condamnées.
Le juriste souligne que la liberté au vote inclut à la fois la volonté de participer et celle de s’abstenir. « Voter est un droit, tout comme ne pas voter », précise-t-il. Ainsi, nul ne peut être contraint ou sanctionné pour avoir choisi de ne pas se rendre aux urnes.
« Celui qui vote exerce son droit. De même, celui qui ne vote pas n’a pas manqué à l’accomplissement d’un devoir, mais a simplement renoncé à l’exercice de son droit », explique Kalil Camara. Une position qui s’inscrit dans la logique des États démocratiques modernes, où la participation politique repose sur la liberté individuelle et non sur la contrainte.
Selon M. Camara, l’abstention n’est plus un simple désintérêt, mais un véritable acte reconnu juridiquement dans plusieurs démocraties. Il souligne que certains textes prévoient même des conséquences juridiques à un fort taux d’abstention
« Lorsque le taux est élevé, le scrutin peut être annulé », rappelle-t-il.
En référence au projet de Constitution récemment débattu en Guinée, le juriste indique que les articles 70 et 192 prennent en compte cette évolution
« Lorsque le taux d’abstention atteint 50 % pour les projets et propositions de loi, et 60 % pour un référendum constitutionnel, le texte doit être rejeté. »
À l’approche de la présidentielle, cette réflexion juridique ouvre un débat essentiel sur la nature du vote et la responsabilité citoyenne. Faut-il voir dans l’abstention un désengagement ou un message politique ? Pour Kalil Camara, la réponse est claire
« Ne pas voter n’est pas un renoncement à son pays, mais l’exercice d’une liberté. »
À travers cette analyse, le juriste Kalil Camara invite les Guinéens à repenser leur rapport au vote à l’aube d’une élection décisive. Le scrutin du 28 décembre 2025 ne sera pas seulement un moment de choix politique, mais aussi une épreuve démocratique révélant le degré de maturité citoyenne du pays. Entre droit, liberté et responsabilité, le vote ou l’abstention reste avant tout l’expression d’une conscience civique éclairée.
Par Rama Fils
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