Tribunal pour enfants de Guinée : Me Abou Camara expose les difficultés à l’origine de la lenteur du traitement des dossiers des mineurs

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LeRenifleur Judicalex Guinée 11/11/2025

Le Tribunal pour enfants de Conakry demeure le parent pauvre du ministère de la Justice et des Droits de l’homme. Cette juridiction, au parcours « inédit », fait face à d’énormes difficultés dans le traitement des dossiers impliquant des mineurs. Pour en parler, notre reporter a rencontré, ce mardi 11 novembre 2025, Me Abou Camara, avocat à la Cour, régulièrement constitué pour défendre les intérêts des enfants en conflit avec la loi.

Au cours de l’entretien, l’avocat a exposé plusieurs problèmes à l’origine du dysfonctionnement de cette juridiction spéciale. Parmi eux figurent la lenteur dans le traitement des procédures, la détention prolongée des mineurs, le manque de locaux adaptés pour le tribunal, ainsi que la démission de l’État et des parents dans l’éducation des enfants.

Me Abou Camara a d’abord évoqué la question de la détention préventive prolongée des mineurs :

« La loi exige que l’enfant soit traité de manière spécifique. Malheureusement, on voit des enfants rester en prison pendant deux ans sans connaître leur sort. Lorsqu’un cas de minorité est soulevé, le juge doit saisir le magistrat spécialisé. Mais très souvent, ces magistrats retiennent les dossiers qui devraient être instruits par le juge des enfants. Résultat : beaucoup d’enfants se retrouvent écroués, détenus arbitrairement pendant deux à cinq ans sans jugement. C’est une violation grave des droits de l’enfant, et c’est malheureusement notre réalité », a-t-il expliqué.

Selon l’avocat, une autre difficulté majeure réside dans l’absence des parents, pourtant civilement responsables devant le tribunal pour enfants :

« La majorité des enfants présentés devant cette juridiction n’ont aucun parent à leurs côtés. Du début de l’enquête au jugement, personne ne se présente pour eux. Les parents ont démissionné. Le quartier a démissionné. La société a démissionné. Et l’État ne joue plus son rôle. Finalement, que peut faire le juge ? Il confie l’enfant à un centre de surveillance et de rééducation. Mais en Guinée, ces centres n’existent presque pas. L’État n’en possède pas, seuls des privés en ont, et encore, ils ne sont pas fermés », a regretté Me Camara.

Par ailleurs, l’avocat a dénoncé les conditions précaires dans lesquelles fonctionne le Tribunal pour enfants

« Au départ, le Tribunal pour enfants était annexé à celui de Kaloum. Le problème avait été partiellement résolu lorsque des locaux avaient été trouvés près du Haut Commandement. Mais le tribunal a ensuite été déguerpi sans solution de relogement, se retrouvant à nouveau sans siège fixe. Aujourd’hui, il ne dispose ni de bureaux ni même d’une salle d’audience. Le Tribunal pour enfants n’existe que de nom », a-t-il déploré.

Il ajoute que ces conditions déplorables ont des conséquences directes sur la tenue des audiences et le traitement des dossiers

« Voyez dans quelles conditions travaillent ces magistrats. Comment juger correctement ces enfants ? Tout cela retarde les procédures. Et certains enfants se retrouvent en prison pendant des mois, parfois pour un simple vol de poulet. C’est inadmissible. L’État doit réagir », a lancé Me Abou Camara.

 

Sadialiou Barry

 

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